Vers une monnaie locale, écologique et sociale au Pays Basque

Une monnaie complémentaire pourrait bientôt voir le jour au Pays Basque, une monnaie alternative à l'euro, une monnaie complémentaire qui se veut non pas un instrument de concurrence et d'enrichissement, mais une monnaie locale basque, écologique et sociale.
 
Comme le montrent des dizaines d'exemples du Japon aux États-Unis en passant par l'Allemagne, la Suisse et la France, une monnaie locale peut servir à dynamiser les entreprises et associations locales, à relocaliser l'économie, à éviter la spéculation, à agir pour l'environnement et à créer du lien social.

Les monnaies complémentaires permettent à une plus grande partie de la richesse créée par le travail local de rester sur place au lieu d'être transférée ailleurs.
 
Le principe fondamental d'une monnaie locale est que l'on convertit un euro normal en euro local, qui ne peut être dépensé que sur le territoire de la monnaie locale. En créant un réseau de prestataires adhérents au réseau, on oriente le pouvoir d'achat local vers un certain type d'économie, et donc de développement.
 
Au Pays Basque, "il s'agit avant tout de créer une monnaie qui favorise un développement local et compatible avec la préservation de l'environnement, des acquis sociaux mais aussi de la culture," puisque la monnaie devrait aussi encourager l'usage public de la langue basque, dans les commerces notamment, nous a expliqué Dante Edme-Sanjurjo, membre du comité de pilotage de l'Association pour la création d'une monnaie locale en Pays Basque, lors d'un entretien avec eitb.com.
 
Les commerçants, artisans, associations, entreprises et professions libérales qui ont des pratiques responsables dans l'un et/ou l'autre de ces domaines pourront intégrer le réseau. Aux autres qui souhaitent rejoindre le réseau et profiter du pouvoir d'achat qu'il fait circuler, on proposera des pistes d'amélioration.
 
"Nous pourrons par exemple proposer à un restaurant d'augmenter ses approvisionnements en produits locaux, de préparer une carte en bilingue, de recycler ses déchets verts, etc. Chaque professionnel fera ensuite ce qui lui semble le plus adapté à son activité," selon Dante Edme-Sanjurjo.
 

Voyage au système de monnaie locale le plus important d'Europe

Une délégation du Comité de pilotage de l'Association pour la création d'une monnaie locale en Pays Basque vient de réaliser un voyage d'étude en Allemagne, pour connaître en détail le système de monnaie locale le plus important de l'Europe, le Chiemgauer (voir les photos du voyage). Il s'agit du deuxième voyage d'étude après celui qui a amené le Comité en décembre à Toulouse, pays du SOL Violette.

De retour au Pays Basque, eitb.com les a interrogé sur leurs impressions.
 
Selon Txetx Etcheverry, ce voyage en Allemagne a été "intéressant parce que le réseau du chiemgauer s'étend sur un bassin de vie du sud de la Bavière qui est très ressemblant à Iparralde", avec près de 300.000 habitants et des zones rurales et de petites villes.

La plupart des consommateurs et des commerçants avec qui le comité du Pays Basque a discuté ont expliqué que "leur première motivation pour utiliser la monnaie locale est le financement des associations qu'ils soutiennent à travers ce système," nous a expliqué Mendi Esteban. En effet, au Chiemgau, la monnaie sert, entre autres, à financer des associations.

"Quand une entreprise ou un commerçant a reçu de ses clients plus de chiemgauer qu'il ne peut en dépenser, il peut les rechanger, mais avec une retenue de 5% qui l'incite à réutiliser la monnaie locale, ce qui permet de dynamiser les échanges," a précisé Adrien Kempf. "Ces 5% servent à hauteur de 2% à financer le système, et à hauteur de 3% à financer des associations locales".

Ce prélèvement est présenté aux commerçants comme un investissement en publicité, "car le réseau lui apporte des clients" et ces frais de change représentent seulement environ 2% de son chiffre d'affaires en chiemgauer.

Du côté du particulier, quand il "change 100 euros, il reçoit 100 chiemgauer, il maintient donc son pouvoir d'achat à 100 %, mais 3 chiemgauer sont versés par le système à l'association de son choix," selon Adrien Kempf.

Un autre aspect important pour les commerçants est la fidélisation des clients, selon Mendi Esteban. Dans le village d'Inzell, à quelques kilomètres de Traunstein, par exemple, une trentaine de commerçants acceptent la monnaie, soit près d'un sur deux.

"Pour l'horloger du village, qui nous a reçu, c'est un moyen de conserver et de gagner des clients, car les villageois sont de plus en plus attirés par les grandes surfaces se développant à Salzbourg, à trente kilomètres de là," a raconté Mendi Esteban.

Pour Dante Edme-Sanjurjo, le système du chiemgauer "est très intéressant et pourrait être adapté au Pays Basque", tout en y ajoutant une dimension culturelle : le système basque "non seulement encouragera les bonnes pratiques sociales et environnementales, mais en plus il cherchera à favoriser l'émergence de l'euskara dans la sphère publique, dans les commerces notamment."

L'entrée en vigueur de la monnaie locale basque

Quant au lancement de la monnaie complémentaire au Pays Basque, l'association aimeriait effecteur une première expérimentation avant la fin de l'année, nous a indiqué Dante Edme-Sanjurjo.

Avant le lancement, il reste encore de nombreuses choses à faire. "Tout reste encore à décider," selon Dante, "le comité de pilotage va se réunir en séminaire les 18 et 19 février pour commencer à mettre noir sur blanc le projet pour le Pays Basque, en définissant le mode d'expérimentation, les taux de change, le mode de participation des prestataires, etc." Dès que le projet est élaboré, il sera présenté aux associations intéressées.

Au printemps, une campagne sera organisée pour choisir le nom de la monnaie "de façon démocratique et participative, en invitant les habitants d'Iparralde à proposer des noms pour leur monnaie, puis à en sélectionner un".

Pour plus d'infos, rendez-vous sur le site d'euskalmoneta.org.