À la mémoire de Jorge Oteiza

Le Pays Basque commémore les 10 ans de la mort de Jorge Oteiza, l'un des plus grands artistes basques du 20e siècle. De nombreuses commémorations lui rendront hommage.

>> À voir : reportages vidéo (en basque) d'EITB sur Jorge Oteiza

Figure fondamentale de l'avant-garde du XXe siècle et pionnier de la sculpture abstraite en Pays Basque, Jorge Oteiza (1908-2003) s'inscrit dans la lignée des Picasso, Miró et de ses contemporains Chillida et Tapiès. Son oeuvre est exposée dans de grandes institutions muséales à Paris, Barcelone, Bilbao ou New York, depuis ses sculptures figuratives jusqu'à l'abstraction de ses constructions vides et métaphysiques.

"Sculpteur, théoricien, poète, Jorge Oteiza a révolutionné le monde de l'art et de la culture du Pays Basque en l'intégrant dans les grands courants internationaux et en l'enracinant dans la préhistoire, à la recherche de la culture originelle, tout en faisant sienne les grandes idées qui ont structuré le mouvement de la Renaissance culturelle basque," estime l'historien de l'art Jean-François Larralde dans son livre Oteiza, métaphysique de l'espace (Atlantica, 2007).

Jorge Oteiza naît à Orio (Gipuzkoa) en 1908. En 1931, il présente à Saint-Sébastien sa sculpture Adam et Ève, Tangente S=E/A, œuvre avec laquelle il gagne le premier prix du IXe Concours des Nouveaux Artistes du Gipuzkoa. À l'approche de la guerre civile, il part pour l'Amérique Latine, en 1935, où il restera 13 ans.

Après son retour au Pays Basque en 1948, son œuvre, d'une grande pureté poétique, gagne en prestige au niveau national et international. En 1950, il aborde l'importante commande de la statuaire de la basilique d'Aranzazu, énorme ensemble qu'il dessinera en 1953 et exécutera entre 1968 et 1969. Les motifs religieux s'y dépersonnalisent et les figures s'évident, en s'ouvrant sur l'espace pour se charger de spiritualité.

Les 14 apôtres d'Arantzazu. Photo: Josu Goñi Etxabe

Jorge Oteiza Oteiza passe, à la fin des années 1950, "de l'organique au géométrique, du geste à la conception quasi mathématique de la forme, vers une abstraction de plus en plus affirmée. Admirateur de Mallarmé et de Malevitch, il multiplie les variations de polyèdres de fer, pliant et dépliant l'espace même, la matière et son absence," selon Évelyne Toussaint.

Entre 1958 et 1959, Oteiza réalise ses œuvres de conclusion dans lesquelles il reprend ses formulations précédentes. Parmi celles-ci, les séries consacrées à la dés-occupation du cube, notamment celle des Boîtes vides (Cajas vacías), sont celles qui reflètent le plus fidèlement les conclusions de son expérimentation.

En 1959, Oteiza, mettant en rapport le vide de plus en plus présent dans son œuvre et celui des cromlechs de la préhistoire basque, aboutit à "la conclusion expérimentale qu'il n'est plus possible d'ajouter de la sculpture, comme expression, à l'homme et à la cité". Il abandonne alors la production de sculpture.

Oteiza près de son sculpture Expansion spirale vide (1957) dans la IV Biennale de São Paulo

Au cours des années soixante, Jorge Oteiza se lance dans la recherche esthétique et linguistique, en s'intéressant notamment à tout ce qui touche à la culture basque et en s'associant activement à la cause politique et sociale du peuple basque.

Il est aussi l'auteur de nombreux textes, poèmes et essais qui ont influencé les générations suivantes de sculpteurs basques. Parmi eux, citons Propósito experimental (1956–57, Propos Expérimental), dans lequel il assoit les principes théoriques de son œuvre, Quousque tandem, essai d'interprétation esthétique de l'âme basque (1963) et sa suite Exercices spirituels dans le tunnel (1983).

De nombreuses commémorations rendront hommage à Oteiza à l'occasion des dix ans de sa mort. À San Sebastian (Donostia), le café-théâtre Doka organise un cycle de plusieurs journées, qui a commencé par la projection du spectacle "Otehitzari biraka" de Kukai Dantza et Ttanttaka. Ce mardi soir (19h30), le documentaire "Fragmentos" de Jon Intxaustegi sera présenté. Le documentaire "Casa vacía" sera à l'affiche mercredi soir, alors que les bertsolari Maialen Lujanbio et Andoni Egaña se produiront le jeudi soir.

Le musée Oteiza à Alzuza en Navarre, qui conserve la collection personnelle d'Oteiza composée de 1.650 sculptures et 2.000 pièces issues de son laboratoire expérimental, en plus des nombreux dessins et collages, offre ce week-end des visites gratuites et des journées portes ouvertes. Le musée prévoit également un programme spécial d'activités du 8 au 12 mai et tout au long de cette année.